Université Paris-Ouest - Nanterre - La Défense
Ecole normale supérieure
Ecole normale supérieure
Centre de Théorie et Analyse du Droit (UMR 7074) - Axe Ecriture du droit
Journée d’étude sur
Paris
Juin 2014
Juin 2014
(limite: 28 février 2014)
«La table de travail ne serait plus
chargée d’aucun livre. À leur place se dresse un écran et à portée un téléphone.
Là-bas au loin, dans un édifice immense, sont tous les livres et tous les
renseignements... De là, on fait apparaître sur l’écran la page à lire pour
connaître la réponse aux questions posées par téléphone, avec ou sans fil. Un écran
serait double, quadruple ou décuple s’il s’agissait de multiplier les textes et
les documents à confronter simultanément ; il y aurait un haut-parleur si la
vue devait être aidée par une donnée ouïe, si la vision devait être complétée
par une audition. Utopie aujourd’hui, parce qu’elle n’existe encore nulle part,
mais elle pourrait bien devenir la réalité pourvu que se perfectionnent encore
nos méthodes et notre instrumentation. Et ce perfectionnement pourrait aller
jusqu’à rendre automatique l’appel des documents sur l’écran, automatique aussi
la projection consécutive...».
Paul OTLET
Traité
de documentation
Le livre sur le livre
Théorie et pratique
(1934,
p. 553)
Par le rapport
spécifique que le droit entretient avec l’écrit, on a pu dire que tout juriste
est «avant tout un documentaliste juridique» (COTTIN S., MOYRET S.) dans
la nécessité qui est la sienne de trouver les documents qui nourriront son
raisonnement. Plus sans doute que toutes les autres sciences, le droit se
nourrit en effet du texte, et une importante production d’écrits est à la base
même de la science juridique (lois, normes, décisions de justice, œuvres de la
doctrine..).
On admettra à cet
égard que si l’expression « sources du droit » éclaire le fondement
de la règle de droit, elle permet aussi de désigner les sources de l’information
juridique. Or si la littérature scientifique se penche volontiers sur la
documentation juridique en général (voir les recherches récentes menées sur les
genres doctrinaux, les manuels de droit ou les revues juridiques), elle n’abonde
encore que peu au sujet de la documentation juridique électronique : la
doctrine commence en effet à peine à se pencher sur la thématique spécifique de
sa dématérialisation.
On dispute encore sur
la qualification de la doctrine juridique comme une source du droit, mais on
s’accorde en tout cas à reconnaître que son rôle est d’identifier, de classer
et de hiérarchiser les sources du droit, ces «pôles émetteurs de
droit» (DEUMIER P., REVET Th.). Dans cette mesure, pour analyser la
production du droit, la doctrine s’attache à saisir ce qui la nourrit et va
influencer son développement (précisant que la doctrine elle-même est considérée
comme l’une de ces influences). Or à l’heure actuelle, il apparaît de plus en
plus difficile d’identifier où se prennent véritablement les décisions, avec
une démultiplication des vecteurs d’information, qui composent un ensemble de réseaux
d’influence toujours plus denses.
Type spécifique de site web, ou composante d’un site plus général,
le blog est utilisé à fin de publication d’informations régulières, sous forme
d’articles ou de billets généralement succincts, et rendant compte d'une
actualité autour d'un sujet ou d'une profession donnés. A ce titre, le blog a
pu être comparé à un journal de bord,
dont les entrées se succèdent dans un ordre anté-chronologique (du plus récent
au plus ancien) le plus souvent sans autre forme de classement… ce qui suppose alors
qu’une information en chasse une autre, l’absence de hiérarchie apparente des
informations pouvant nuire à la réception scientifique de ce support.
L’objectif de cette
journée de travail organisée par le Centre
de Théorie et Analyse du droit, consistera donc à essayer de prendre la
mesure du rôle que jouent les blogs juridiques dans les évolutions actuelles de
la doctrine, et de suivre l’évolution de l’écriture du droit (prise en son sens
le plus large, à savoir la formation, la diffusion, mais aussi la réception des
textes) à travers la développement de la dématérialisation de la doctrine.
Si la doctrine reste
généralement définie comme une publication
éditoriale, on tentera de répondre à une question laissée en suspens par Philippe
Jestaz et Christophe Jamin en 2004, qui affirmaient à propos des supports de la
doctrine: «peu importe ici la distinction du papier et du
numérique, car pour l’instant le numérique n’a pas modifié les genres
doctrinaux» (JESTAZ P., JAMIN Ch.). Dans un contexte de développement
incessant de la numérisation de la documentation juridique, et face à la
dématérialisation de la doctrine, l’audience toujours plus forte de certains
blogs et la façon dont les institutions judiciaires se sont désormais dotées de
sites web, n’oblige-t-elle pas à reconsidérer cette affirmation?
Pistes
possibles:
- Ecrit-on différemment pour un blog que pour un article (style, format plus court)?
- Quelles évolutions la pratique des blogs induit-elle sur la lecture des textes (les commentaires amènent un dialogue entre l’auteur et ses lecteurs) ; quelle influence sur l’auteur : dans quelle mesure ces lectures polyphoniques aboutissent-elles éventuellement à une réécriture des textes?
- Du fait de l’interactivité de certains blogs (les commentaires) quel est l’apport qualitatif de ce qui pourrait être considéré comme un travail en réseau.
- Avec la dématérialisation des documents et la malléabilité de l'énoncé, le support physique est-il appelé à disparaître? En outre, son contenu étant manipulable, transformable, cela pose la question des droits de l’auteur;
- En quoi l'arrivée de revues, d'ouvrages et de bases de données consultables en ligne modifie-t-elle la manière de travailler des auteurs (recherche documentaire, lecture, notes, citations)?
- Références aux blogs et citations de billets : quelle est la statut du blog et, dans l’utilisation qui en est faite, se voit-il reconnaître une valeur scientifique ou simplement informative?
- Question de la mise à jour des informations et de la «mémoire» sur internet (archivage des informations sur les blogs)? Comment les auteurs de blog conçoivent-ils la valeur d’une information dans la durée? Dématérialisation et mémoire du droit.
- Comment les éditeurs d’ouvrages de droit et de revues juridiques ont-ils assumé cette dématérialisation de la doctrine.
- A propos de l’analyse de la jurisprudence: un lien peut être décelé entre les bulletins de jurisprudence (Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, Dictionnaire des arrêts), les premiers journaux professionnels (Gazette des tribunaux, Gazette du Palais), les notes de jurisprudence inaugurées par Labbé, et l’édition de la série des Grands arrêts de jurisprudence (GAJA, GAJC…). Dans cette perspective, les blogs juridiques contemporains s’inscrivent-ils dans la continuité de ces supports, ou constituent-ils une rupture dans l’appréhension de la jurisprudence?
Propositions à envoyer à : chambost.anne-sophie@orange.fr
Avant le 28 février 2014
Date de la journée d’étude: mi-juin 2014
Bibliographie:
- BETRAND-GASTALDY S., "Des lectures sur papier aux lectures numériques : quelles mutations ?" ; http://www.ebsi.umontreal.ca/recherche/colloques-congres-journees-d- etude/acfas2002/gastaldy.pdf
- BORIES S. (2003) : L’informatisation des données judiciaires et doctrinales : une contribution à la connaissance et à la recherche juridiques, Documentaliste - Sciences de l’information, oct. 2003, vol. 40, n° 4-5, p. 272-279.
- BORIES S. (2002) : Quelles revues pour le 21e siècle, Revue trimestrielle de droit civil, oct.-déc. 2002, n° 4, p. 714.
- BREARD B., "Bibliothèques et bibliothécaires juridiques en France" ; Lausanne, Association des Bibliothèques Juridiques Suisses, Shearman & Sterling LLP, 18-19 juin 2009. http://www.lawlibraries.ch/docs/tagung2009/Lausanne2009.ppt
- CATALA P., « Ecriture électronique et actes juridiques », Mélanges Cabrillac, p.91 suiv.
- COTTIN S., « apprendre à décrire le document juridique à l’heure du Web 2/0 », Revue de linguistique et de didactique des langues, 38, 2008 (langue du droit), pp.53-70
- COTTIN S., « Le service public de diffusion du droit français sur l’Internet », Acta Universitatis Sibiu (Roumanie), n° 1-2/2005, <http://www.servicedoc.info/Le-service-public-de-diffusion-du,1703>.
- COTTIN S., MOYRET S., « Préliminaires » et « Les sources françaises du droit : quatre axes de recherche », Petit guide d'accès à l'information juridique française, ADBS, 2000, p. 11-18.
- DEUMIER P., REVET Th., « sources du droit (problématique générale », ALLAND D., RIALS S., Dictionnaire de culture juridique, 2003
- GIRARD DE BARROS, « Les bibliothèques numériques : l'édition juridique online au service de l'informédiation », PAPY F. et al. , Usages et pratiques dans les bibliothèques numériques, Lavoisier, 2007, 364 p.
- JESTAZ P., JAMIN Ch., La doctrine, Dalloz, 2004
- OTLET P., Traité de documentation : le livre sur le livre, théorie et pratique, Bruxelles, Eds Mundaneum, 1934 http://archive.org/details/OtletTraitDocumentationUgent
- Revue juridique nîmoise, n°6, 2010-2011 : Dématérialisation de la justice
Pour
un annuaire des blogs juridiques: http://www.juridiconline.com/annuaire-de-blogs-juridiques.html