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26 janv. 2015

Univ Bordeaux, CAHD + Univ. Panthéon-Sorbonne, UMR de Droit comparé, Appel à contributions colloq internat. org. par les jeunes chercheurs du CAHD: "L'Histoire du Droit entre science et politique", Bordeaux, 15-16 oct. 2015 (limite: 15 févr. 2015)

Information transmise par N. Hakim:
Université de Bordeaux - Centre Aquitain d’Histoire du Droit

avec le soutien de l'Université Panthéon-Sorbonne - UMR de Droit comparé

Appel à contributions
Colloque international jeunes chercheurs organisé par les jeunes chercheurs
du Centre Aquitain d’Histoire du Droit (Université de Bordeaux)

L'Histoire du Droit entre science et politique 

Bordeaux
15-16 octobre 2015
(limite: 15 février 2015)
Présentation
L’histoire de l’« histoire du droit » se situe à un croisement des disciplines. Elle est aussi au cœur du débat inhérent à la matière juridique sur la légitimité d’une « science » du droit. Depuis la Rome antique, les juristes se sont évertués à trouver une méthode scientifique propre au domaine du droit, capable de légitimer l’édiction des normes juridiques. Le qualificatif de « science » a été et est toujours sujet à la critique en raison des « imperfections et des incertitudes »[1] de la méthode juridique. Ces critiques ont été d’autant plus vives à la fin du xixe siècle, moment où le terrain d’étude des sciences humaines a été investi par d’autres disciplines telles que l’économie, la sociologie, la psychologie ou la science politique.

La science du droit, contestée dans sa légitimité, a ainsi cherché dans l’histoire, une méthode capable de redonner au droit sa primauté au sein des sciences sociales. Pour autant, la science (au sens moderne) nécessite de « caractériser un objet propre et une méthode propre : un champ d’étude autonome et un procédé de connaissance irréductible à un autre champ du savoir »[2]. Le terme de science pouvant être compris comme un « ensemble de connaissances et de recherches ayant un degré suffisant d’unité, de généralités et susceptibles d’amener les hommes qui s’y consacrent à des conclusions concordantes, qui résulte ni de conventions arbitraires, ni de goûts ou des intérêts individuels qui leur sont communs mais des relations objectives qu’on découvre graduellement et que l’on confirme par des méthodes de vérification définies »[3].

L’approche historique a longtemps été utilisée en tant que méthode scientifique pour justifier le droit positif. La discipline « histoire du droit » a donc été marquée par cette fonction assignée de science auxiliaire du droit.  A ce titre, l’histoire du droit a pu servir des politiques nationales en vue du renforcement et du rayonnement des modèles juridiques concurrents dans l’Europe de l’époque moderne et contemporaine. Ainsi, l’histoire du droit, d’abord considéré comme méthode de découverte des normes puis comme enseignement autonome, est érigée en tant que « science » au moment même où cette discipline s’adosse à un projet politique explicite de renforcement des systèmes juridiques nationaux.

Ce colloque international pose donc la question de la scientificité de l’histoire du droit. Il vise à s’interroger sur les méthodes adoptées par les historiens du droit. Il propose également de réfléchir à l’impact qu’a eu cette affiliation au pouvoir dans la constitution et la légitimité de cette discipline. Les éléments évoqués doivent être considérés comme des invitations à réfléchir sur les thèmes de la scientificité de l’histoire du droit et de sa politisation et ne sont pas exhaustifs quant aux sujets qui pourront être portés à communication avant publication.

I/ La scientificité de l’histoire du droit en question

La question de la méthode est au centre de la constitution de toute science. C’est aussi le cas pour l’histoire du droit. De nombreux débats sur la scientificité de cette matière et sur la portée qu’elle doit avoir, ont agité le milieu académique. Ces éléments prêtent à réfléchir sur l’essence de cet objet d’étude, son enseignement et sur l’opportunité de sa méthode d’analyse.

En France, la scientificité de l’approche historique semble valider la reconnaissance d’un champ disciplinaire à la fin du xixe siècle. L’importance de l’histoire du droit en tant que matière autonome est consacrée à la fois par son enseignement et ses enseignants, dont l’assise est renforcée par l’agrégation, en dépit des oppositions que cette dernière suscite. Or, cette spécialisation ne risque-t-elle pas d’engendrer l’isolement de ce nouveau corps professoral ? Qu’est-ce qui justifie l’existence de cette matière ? En somme, a-t-on besoin de l’histoire du droit ? Les privatistes ou les publicistes n’ont-ils pas vocation à faire l’histoire de leur propre discipline? Au delà de l’exemple français, quelle place accorde-t-on à l’histoire du droit dans d’autres pays ? Cette discipline a-t-elle connue une large diffusion en Europe au cours du xxe siècle ? Y a-t-il eu des communications et des débats entre les professeurs européens ?

Par ailleurs, la constitution d’une matière comporte nécessairement un objectif politique. Dans le cadre plus particulier de la constitution de l’histoire du droit, s’agit-il de légitimer une approche nationale du droit à l’heure de la montée des nationalismes ? Qu’en est-il des États sous domination étrangère ? Font-ils leur propre histoire du droit, ou celle du dominant ?

Une fois l’approche historique légitimée au sein des universités, quels sont ses usages en tant qu’instrument méthodologique pour le droit positif ? Permet-elle, à l’instar du droit comparé, une approche critique ? Le comparatisme est-il un remède à l’isolement ou au contraire, sert-il de justification au repli sur soi inhérent aux approches nationalistes ? En outre, l’histoire du droit est-elle mobilisée au sein d’autres disciplines qui appréhendent les mêmes phénomènes, de manière implicite ou explicite, à l’exemple de l’ethnologie, de la sociologie, ou de l’histoire ?

Enfin, quels sont les lieux de son enseignement et pourquoi y est-elle enseignée ? L’objet juridique est en effet mobilisé au sein de cursus non juridiques, à l’instar du Collège de France ou de l’École nationale des chartes. Trouve-t-elle son utilité en dehors des facultés de droit ? S’agit-il des mêmes objets d’études et des mêmes méthodes d’analyse que dans les universités ?

Dans une logique prospective, l’histoire du droit a-t-elle encore vocation à être considérée comme une science au service du droit positif ? N’est-elle pas qu’érudition à l’heure où l’on s’interroge de plus en plus sur la professionnalisation des formations universitaires ?

II. La politisation de l’histoire du droit

La volonté de dépassement du champ de l’érudition pure soulève la question de l’implication de l’histoire du droit en dehors du champ scientifique. Dès lors cette matière connaît immanquablement une politisation selon deux canaux principaux. La politisation du discours historique résulte des filtres interprétatifs employés par l’historien de manière plus ou moins consciente. Comment et pourquoi cette politisation agit-elle ? Enfin, au delà de la politisation du discours historique en lui-même, il sera possible d’évoquer ses utilisations par les politiques. Comment ces derniers confortent-ils leurs discours en se référant à celui des historiens ? Contribuent-ils à former une vision de l’histoire juridique à part entière en tentant de mettre le scientifique au service du politique ?

Les bouleversements politiques et sociaux intervenus en Europe entre le xve et le xxe siècle raniment la nécessité de faire sortir l’histoire du droit du champ de l’érudition pure. L’idée qui avait animé des juristes tels qu’Eusèbe de Laurière au xviie siècle est remise au goût du jour au lendemain du bouleversement de la Révolution française et des codifications. Les travaux de Savigny en Allemagne ou encore ceux de Klimrath en France témoignent ainsi, de manières différentes, de la volonté de mettre l’histoire au service du droit positif. Dans un contexte d’exacerbation des sentiments nationaux et des nationalismes, cette démarche consiste finalement à effectuer une politisation de l’histoire du droit, mobilisée pour rendre évidente la cohésion d’un peuple, voire pour en faire le porteur d’une culture juridique indépendante, parfois même qualifiée de supérieure. C’est ainsi, pour fonder l’indépendance de la Common Law, que Maitland s’attache à démontrer son absence de filiation latine. Comment les travaux des historiens du droit sont-ils susceptibles d’apporter leur soutien à un projet politique, mais aussi quel emploi de l’histoire du droit les politiques peuvent-ils faire dans le but de justifier leurs actions?

Les évolutions politiques du xxe siècle, à travers la radicalisation des régimes qui revêtent un particularisme idéologique dépassant le simple clivage de la nationalité, de même que la décolonisation ou les prémices de la construction européenne prolongent et déclinent les problématiques émergées au fil des siècles qui précèdent. Quelle est la place de l’histoire du droit dans ces évolutions ? Y joue-t-elle un rôle moteur, en participant notamment à l’élaboration de mythes spécifiques ou n’est-elle qu’un outil permettant au régime de modeler les consciences des juristes ?

Ces deux axes ne doivent toutefois pas limiter les jeunes chercheurs dans leurs réflexions.  Toute question concernant les rapports entre histoire du droit et politique à l’époque moderne et contemporaine qui n’aurait pas été soulevée dans cet appel à communication est bien entendu la bienvenue. Organisé par les jeunes chercheurs du Centre Aquitain d’Histoire du Droit, ce colloque international se tiendra à Bordeaux les 15 et 16 octobre 2015. Les interventions des participants feront l’objet d’une publication. L’anglais et le français sont permis. Sont invités à communiquer les jeunes chercheurs, doctorants ou docteurs non encore en poste, français comme étrangers. Les dossiers de candidature sont à envoyer au Comité de sélection le 15 février 2015 au plus tard. Ce dossier sera composé d’un résumé de leur projet de 3500 signes maximum, rédigé en anglais ou en français ainsi que d’un CV. Ces dossiers sont à joindre à l’adresse suivante : colloquecahd@gmail.com.



International conference organised by Centre Aquitain d’Histoire du Droit

The History of Law, between science and politic

The history of « history of law » is at the junction of several disciplines. It raises also the question of the legitimacy of a legal « science ». Since Ancient Rome, lawyers strive to find a scientific method able to legitimate the enactment of legal norms but the term « science » is still subject to the critic because of  the « imperfections and incertitudes » of the legal method. These critics were more intense at the end of the XIXth century when economy, sociology, psychology or political science invested the human sciences.

This concurrent discipline makes the legal science controversial and lawyers seem to find in history the necessary renewal of this science. However, according to F. Rouviere’s definition, the modern sense of science needed to be characterized by a singular object and method. It can be defined as an autonomous field of study and an irreducible knowledge process to another field of knowledge. Indeed, the term « science » implies sufficient degree of unity of knowledge and research. This overview brings science to elaborate concordant results, not based on arbitrary conventions nor taste or common individual interests but on objectives relations confirmed by defined methods of verification.

The historical approach has long been used as a scientific method to justify positive law and « history of law » was reduced to its function of auxiliary science by the lawyers. Indeed, the discipline has been used to serve nationalism by using it to reinforce concurrent legal models in Europe. Thus, how can we consider the history of law as a science when it has been used to support political projects?

This international conference will focus on the scientificity of history of law. It has the ambition to question the different scientific methods used by the historians of law and proposes to discuss this political uses for the legitimacy of the discipline. These argumentative elements about scientificity and politicization are simple invitations to submit different subjects interesting this theme.

I/ The question of history of law as a science

The question of the method is the gaming of the constitution of any science. It is also the case of History of Law. Many debates about the scientific properties of this subject and the impact that it owes credit shook the academic environment. These elements ask the essence of this object of study, its teaching and about the opportunity of its method of analysis.

In France, the scientific conception of the historic approach seems to validate the recognition of a disciplinary field at the end of the XIXth century. The importance of the history of law as an independent subject is dedicated at the same time by its teaching and its teachers whose basis are strengthened by the aggregation in spite of the oppositions which the latter arouses. Yet, does this specialization risk generating the isolation of this new teaching staff? Who justifies the existence of this subject? As a matter of fact, did we need the History of Law? Have privatists or advertising agents not vocation to make the History of their own discipline? Beyond the French example, what place do we grant to history of law in other countries? Did this discipline know a wide distribution in Europe during the XXth century? Were there communications and debates between the European professors?

Besides, the constitution of a subject contains inevitably a political object. In the more particular frame of the constitution of the history law, is it a question of legitimizing a national approach when the nationalism is rising up? What about the States under foreign domination? Do they make their own history of law or the one of the dominant?

When the historical approach was legitimized in universities, how is it used as tools for the positive law? Does it allow a critical approach like the comparative law? Is comparatism a cure fore the isolation, or a justification for the behaviour of the nationalists? Is history of law used in other teachings which study the same object, like history, sociology, ethnology?

Finally, where is it taught, and why? Indeed the legal object is used outside the legal program, as in the “Collège de France” or in the “Ecole nationale des chartes”. Is it more useful outside Law University than inside? Is it the same object of study and the same method of analysis than in University? Can history of Law be seen again as a science for positive law? Isn’t it just erudition when we are asking ourselves more and more about the professional aspect of University training?

II/ The giving of political aspect for history of law

The will to pass beyond the strict scientific field asks the question of the implication of History of law out of it. Considering that, this subject takes a political aspect by almost two principal ways. This property of the historical talk is produced by the historian’s work of interpretation, which may be conscious or not. Why and how do these political aspects interact? Otherwise, despite of this political coloration of the historical talk, it will be possible to approach it using the politics. How do they build their speeches and their policies by reference to the historical works? Do they create a particular approach of juridical history by using the scientific work?

The political and social overthrows in Europe between the XVth and the XXth century ask the necessity for the history of law to come across the pure erudition. That wish is present in the works of Eusèbe de Laurière at the XVIIth century and some authors after the overturning of the French Revolution. Savigny’s and Klimrath’s work show, in different ways the will to use history of law for the needs of positive law. When the national consciousness and the nationalisms are growing, history of law can be used to justify the existence of people, maybe to build an independent juridical culture, or even superior. Maitland is an example of this approach, when he shows the independence of Common law from Roman law. How does the work of historians of law can be used to justify a political project or the politics’ actions?

The political changes of the 20th century, through the radicalization of the regimen which don an ideological particularism going beyond the sole cleavage of nationality, just as the decolonisation or the premises of the European building process, lengthen or ebb the issues which emerged during the preceding centuries. According to those permanent progresses, does History of law play a driving role,  especially by taking part to specific myths, or is the subject just a means used by  the political systems to fashion lawyer's awareness? 

Thus, two types of presentations are solicited but there is no limit on the themes and questions that might be considered as far as history of law and modern politics are concerned. This International Symposium organized by the Centre Aquitain d’Histoire du Droit Junior Researchers will take place in Bordeaux, October 15th-16th 2015. Only PhD student and PhD in History of Law proposals are expected.  Papers will be published. Proposals for papers (maximum 3 500 characters, in English or French) should be accompanied by the author’s curriculum vitae and sent to the organizing Committee before February 15th 2015 : colloquecahd@gmail.com



[1] P. AMSELEK, « La part de la science dans les activités des juristes ». D. 1997, chr., p. 339.
[2] F. ROUVIERE, « La vulnérabilité de la science du droit : histoire d’une science sans méthode » in Le droit à l’épreuve de la vulnérabilité, Bruylant, pp. 537 et s., 2011.
[3] A. LALANDE, Vocabulaire  technique  et  critique  de  la  philosophie (1926),  PUF,  2e édition  « Quadrige »,  2006.